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Pourquoi des laboratoires de création dans les bibliothèques?

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Au Québec comme à l’international, la popularité des laboratoires de création ne cesse d’augmenter. Plusieurs bibliothèques se sont déjà dotées de telles installations et, au moment même où vous lisez ces lignes, de nombreux projets sont en cours de développement.

Il peut cependant être difficile de s’y retrouver, puisqu’il existe de nombreuses déclinaisons du laboratoire de création et que les différents processus et analyses sont rarement documentés.

Afin de dégager les meilleures pratiques, Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) présente ce guide qui vise à documenter les usages et les processus d’implantation des laboratoires de création. Ces lignes directrices découlent de l’expertise acquise et des documents générés dans le cadre de projets récents :

  • l’implantation du Square Banque Nationale (le médialab de la Grande Bibliothèque);
  • la mise en place de la future bibliothèque Saint-Sulpice.

Afin de dresser un portrait complet des principes et des enjeux entourant les laboratoires de création, on procédera en deux temps. La première partie du document se penchera sur les principes théoriques qui sous-tendent les laboratoires de création et sur les différentes incarnations du mouvement maker. On y indiquera aussi les analyses et les réflexions auxquelles il est impératif de procéder afin d’identifier clairement la nature du projet – un projet qui sera à la fois le vôtre et celui de la communauté que vous desservez.

La seconde partie se penchera plutôt sur les aspects concrets : l’aménagement physique, le budget, les ressources humaines, l’équipement et les activités, la promotion, etc. Cette section est appuyée par de nombreux documents (disponibles dans l’onglet Autres documents), qui comprennent notamment des fiches techniques créées dans le cadre de différents projets de BAnQ, touchant les questions d’aménagement ou l’analyse de divers types d’équipements.

Il ne faut cependant pas s’y tromper : l’objectif recherché ici n’est pas d’offrir une recette qu’il suffirait de reproduire de façon indifférenciée, mais bien de cartographier l’univers des possibles qui s’offre à chaque institution, de manière à ce que celle-ci puisse procéder aux choix les plus éclairés possibles (et des choix, il y en aura beaucoup à faire).

Afin de ne pas alourdir la lecture, on a indiqué en référence certains documents connexes qui permettront d’approfondir la réflexion si désiré.

Des laboratoires de création en bibliothèque publique

La bibliothèque publique doit fournir à ses usagers des outils et des services qui reflètent leur réalité.

Selon le Manifeste de l’UNESCO sur la bibliothèque publique[1], il appartient à la bibliothèque de faciliter le développement des compétences de base nécessaires pour utiliser l’information et l‘informatique, et de stimuler l‘imagination ainsi que la créativité des enfants et des jeunes (et de l’ensemble de la clientèle, par extension). De plus, elle doit soutenir l’autoformation et l‘enseignement traditionnel à tous les niveaux et fournir à chaque individu les moyens d‘évoluer de manière créative. Ces principes fondamentaux sont également cités dans les Lignes directrices pour les bibliothèques publiques du Québec de l’Association pour l’avancement des sciences et des techniques de la documentation (ASTED)[2].

La bibliothèque restera toujours un endroit où la diffusion du savoir est facilitée grâce à l’accès universel à des collections de documents; mais sa mission ne se limite pas à cette notion d’accessibilité documentaire. L’aménagement d’un laboratoire de création, par exemple, participe pleinement à la démocratisation de l’accès à des technologies de pointe, normalement réservées aux professionnels de domaines particuliers; il peut même permettre aux usagers de développer un regard critique sur l’ère industrielle à laquelle ils sont invités à prendre part. Il facilite en outre l’acquisition et le développement de connaissances. Les usagers peuvent ainsi passer d’une position de simples consommateurs de technologies à une position de développeurs de technologies. L’implantation d’un laboratoire de création permet aussi de stimuler une innovation issue des besoins mêmes des usagers, par l’intermédiaire des nouvelles connaissances acquises.

Comme à l’époque où la consultation des collections en bibliothèque représentait pour plusieurs l’unique moyen de se cultiver, de s’éduquer, d’accéder à une information précise ou de se divertir gratuitement, les laboratoires de création sont devenus, pour une très vaste majorité d’usagers, le seul point d’accès à des technologies de pointe à la fois coûteuses et peu adaptées à un usage domestique. En élargissant les sillons bibliothéconomiques déjà tracés par une offre liée à la culture, à l’éducation et au divertissement, ces nouveaux lieux consacrés à l’autoformation et à la création s’intègrent parfaitement dans la tradition, l’évolution et la mission des bibliothèques publiques.

Les bibliothèques publiques ne sont donc plus seulement conçues et perçues comme des lieux de consultation et de socialisation, mais également en tant que lieux de fabrication et d’apprentissage où les usagers peuvent mener des projets individuels ou communautaires[3]. La bibliothèque du 21e siècle amorce une nouvelle ère où, en plus des axes déjà maîtrisés de consultation et d’utilisation de l’information, elle place clairement son action sous l’angle de la participation et de la création[4]. Elle entre pleinement dans l’âge du faire[5].

Comme le souligne Marie D. Martel, « les bibliothèques ont évolué à travers l’âge de l’accès (et ce n’est pas terminé) vers l’âge de la formation et, maintenant, voici que survient l’âge de la participation. Dans ce contexte, les bibliothèques se redéfinissent en tant que projet de curation et de création[6] ».

Tableau 1. Les âges de la bibliothèque{{#subobject:|Est un tableau=1|Titre du tableau=Les âges de la bibliothèque|Référence=1|Section=Pourquoi des laboratoires de création dans les bibliothèques? }}

Âge de l’accès
  • La bibliothèque est vue comme un dépôt de livres.
  • Elle offre un accès à Internet afin de contrer la fracture numérique (souvent liée à une fracture économique).
Âge de la formation
  • La bibliothèque forme les citoyens à l’utilisation éclairée des technologies.
  • Elle les soutient dans leur navigation.
  • Elle sélectionne des ressources de qualité.
  • Elle constitue des collections numériques.
Âge de la participation
  • La bibliothèque est un lieu d’interaction et d’expérimentation.
  • C’est un laboratoire technologique et social où les citoyens expérimentent et interagissent entre eux et avec les professionnels.

« La première [bibliothèque] à avoir proposé un fab lab entre ses murs est la Fayetteville Free Library dans l’État de New York aux États-Unis, à partir de 2011, sur l’initiative de la bibliothécaire Lauren Britton Smedley . Le succès de cette entreprise a ensuite inspiré d’autres bibliothèques à en faire de même, principalement dans des pays anglophones. […] L’apparition de fab labs en bibliothèque peut s’expliquer par le fait que ces dernières se devaient de refléter les nouveaux modes d’apprentissages de leur époque pour les démocratiser, les rendre accessibles au plus grand nombre. Les fab labs ont également des principes philosophiques communs avec les bibliothèques, à savoir qu’ils sont des espaces ouverts à tous et liés à l’apprentissage, ce qui concourt à rapprochement naturel de ces deux institutions [7] ».

Apprentissage et expérimentation concrète vont naturellement de pair et mettent l’emphase sur le principe que c’est en mettant la main à la pâte que l’on apprend réellement [8]. Les laboratoires de création incarnent ainsi, tout simplement, une nouvelle déclinaison des moyens et des outils utilisés par les bibliothèques afin de rencontrer leurs missions fondamentales :

S’adapter aux nouvelles façons d’accéder aux connaissances

Développer une offre de services complète et actuelle qui inclut désormais de l’information sur les technologies de pointe, les logiciels et les équipements correspondants, ainsi que les ressources pour les explorer et les exploiter.

Dans cette perspective, les bibliothèques trouvent dans les laboratoires de création une nouvelle expression de la diffusion des connaissances au sens large, et de la culture scientifique en particulier. En créant des lieux d’échange accessibles ouverts à tous, comme le préconise le Massachusetts Institute of Technology (MIT)[9], les bibliothèques remplissent leur mission d’ouverture tout en s’adaptant aux nouvelles réalités[10]

« L’installation de fab labs en bibliothèques constitue le prolongement logique de leur mission de démocratisation du numérique : après avoir fourni aux usagers des ordinateurs et des formations pour apprendre à bien s’en servir, la prochaine étape [est] l’intégration d’un espace de création numérique pour apprendre à se servir de nouveaux équipements. Les fab labs constituent une façon de diffuser de nouvelles compétences sur la culture scientifique [11]. »

Favoriser l’appropriation des technologies
Soutenir le citoyen dans l’acquisition de connaissances et d’aptitudes liées à des technologies qui sont maintenant incontournables, et ce, dans un temps très court, alors qu’une fracture numérique est toujours présente, voire grandissante.
Démocratiser le savoir
Démocratiser l’apprentissage des processus de fabrication pour valoriser l’approche par projets et une utilisation structurée du savoir collectif.
Même si un accès facilité et gratuit à des équipements spécialisés demeure important, la démocratisation du savoir va bien au-delà d’une question d’accessibilité technologique. De fait, c’est l’accès au processus d’apprentissage et à l’accompagnement corollaire qui en est la clé de voûte.
Développer la littératie numérique
Offrir un lieu d’apprentissage où, plus que la maîtrise d’outils précis, c’est la capacité d’apprivoiser une technologie nouvelle et d’apprendre à l’utiliser de manière autonome qui est favorisée.
Favoriser l’innovation et la réalisation de projets
Offrir aux usagers la possibilité de mettre leur créativité à profit dans des projets concrets, innovants et stimulants.
Encourager la socialisation
Tendre vers la notion de bibliothèque comme troisième lieu en stimulant la socialisation autour du partage de connaissances et de la coconstruction des savoirs.

Comme le souligne le récent plan stratégique de la bibliothèque publique de Chicago :

« Libraries have always been, and continue to be, in the knowledge business. That does not, however, mean they have been static and unchanging institutions. Over the years, libraries have evolved to support knowledge creation and dissemination in relevant ways.

[…] To ensure access, we are:

Designing programs, services and collections based on Chicagoans’ evolving needs and interests by efforts that give people access to new technology.

Examples include:

  • The Maker Lab, where patrons access 3D design, scanning and fabrication technology.
  • Programmable robots, to help kids any age learn computer programming, and can be borrowed from any branch[12]»

C’est avec justesse qu’en 2017, lors de l’inauguration du Créalab de la bibliothèque Robert-Lussier, la vice-première ministre Lise Thériault a déclaré que « [les] médialabs s’inscrivent dans la vision des bibliothèques du 21e siècle en faisant d’elles des espaces de création, d’innovation et de socialisation accessibles et dotés d‘outils technologiques[13] ».

Le communiqué de presse émis pour l’occasion rappelle que, « [conformément] à la mission promulguée par l’UNESCO, les bibliothèques publiques demeurent, en tout temps, le lieu par excellence à fréquenter pour apprendre tout au long de sa vie, pour s’informer, se cultiver, stimuler sa créativité et s’autoformer. [Les laboratoires de création viennent ainsi soutenir les usagers] dans l’atteinte de leurs objectifs et les inciter à développer des compétences de base leur permettant d’utiliser les technologies et le multimédia dans une perspective de réalisation personnelle, scolaire ou professionnelle[14] ».

Notes

  1. UNESCO, « Manifeste de l’UNESCO sur la bibliothèque publique », UNESCO, 1994, unesdoc.unesco.org/images/0011/001121/112122fo.pdf (consulté le 2 février 2018).
  2. Association pour l’avancement des sciences et des techniques de la documentation (ASTED), Bibliothèque d’aujourd’hui. Lignes directrices pour les bibliothèques publiques du Québec, Montréal, Les Éditions ASTED, 2011, p. 11.
  3. Ville de Montréal, « Fab Labs : l’avenir est dans les bibliothèques », À nous Montréal, 30 août 2017, ville.montreal.qc.ca/anous/articles/fab-labs-lavenir-est-dans-les-bibliotheques (consulté le 4 février 2018).
  4. Gaëlle Bergougnoux, « Un fab lab dans ma bibliothèque », Espace B – Le blogue des Bibliothèques de Montréal, 14 juin 2013, espaceb.bibliomontreal.com/2013/06/14/un-fab-lab-dans-ma-bibliotheque/ (consulté le 3 octobre 2017).
  5. Réseau national de la médiation numérique, « Des FabLabs en bibliothèque : bienvenue dans l’âge du faire », Portail de la médiation numérique, 3 juin 2016, www.mediation-numerique.fr/actualite_des-fablabs-en-bibliotheque--bienvenue-a-lage-du-faire_60.html (consulté le 18 décembre 2017).
  6. Marie D. Martel, « Les Fab labs en bibliothèque : nouveaux tiers lieux de création », Bibliomancienne, 10 octobre 2012, bibliomancienne.com/2012/10/10/les-fab-labs-en-bibliotheque-nouveaux-tiers-lieux-de-creation/ (consulté le 22 octobre 2017).
  7. Anne-Sophie Clerc, « Les fab labs en bibliothèques publiques : des missions entre continuité et innovation », Université de Lyon, janvier 2018, www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/68353-les-fab-labs-en-bibliotheques-publiques-des-missions-entre-continuite-et-innovation.pdf/ (consulté le 9 septembre 2018).
  8. Sierra Lay, « Maker day allows students to showcase creativity », The State News, 2 juillet 2014, statenews.com/article/2014/07/msu-library-hosts-maker-day/ (consulté le 9 septembre 2018).
  9. Massachusetts Institute of Technology, Center for Bits and Atoms, « The Fab Charter », [fab.cba.mit.edu/about/charter/] (consulté le 4 décembre 2018).
  10. Marjolaine Simon, « Fab Lab en bibliothèque – Un nouveau pas vers la refondation du rapport à l’usager? », Bulletin des bibliothèques de France, no 6, juillet 2015, bbf.enssib.fr/matieres-a-penser/fab-lab-en-bibliotheque_66269 (consulté le 25 octobre 2017).
  11. Anne-Sophie Clerc, Op. cit.
  12. Traduction libre : « Les bibliothèques ont toujours été, et sont encore, dans le domaine du savoir. Cela ne signifie pas pour autant qu’elles sont des institutions statiques et immuables. Au fil des ans, elles ont évolué pour soutenir la création et la diffusion des connaissances de façon pertinente.
    [...] Pour assurer une pleine accessibilité au savoir, nous :
    Concevons des programmes, des services et des collections en fonction de l'évolution des besoins et des intérêts de la population de Chicago, et en déployant des efforts concrets pour assurer l’accès aux nouvelles technologies.
    À titre d’exemples :
    • Le Maker Lab, où les usagers ont accès aux technologies de conception, de numérisation et de fabrication en 3D.
    • Les robots programmables, qui aident les enfants de tous les âges à apprendre la programmation informatique et qui peuvent être empruntés dans chacun de nos établissements. »
    Chicago Public Library, « Building the Library of the Future: 2015-2019 Strategy », Chicago Public Library, 2015, www.chipublib.org/wp-content/uploads/sites/3/2016/06/CPL-strategy.pdf (consulté le 15 janvier 2018).
  13. « Repentigny inaugure son Créalab en présence du ministre Luc Fortin – Un lieu consacré aux technologies à la bibliothèque Robert-Lussier », Ville de Repentigny, 20 avril 2017, www.ville.repentigny.qc.ca/communiques/repentigny-inaugure-son-crealab-en-presence-du-min.html (consulté le 12 février 2018).
  14. Ibid.

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